
QuébecOiseaux accueille favorablement la décision du gouvernement du Québec d’abandonner le projet de loi 97 visant à réformer le régime forestier. Dès le dépôt de ce projet, nous avions souligné d’importantes inquiétudes concernant l’opacité des mécanismes de protection de la biodiversité et des critères d’allocation des territoires.
Le recours au concept de triade, qui consiste à répartir le territoire entre conservation, foresterie extensive et foresterie intensive, aurait pu constituer un levier intéressant pour mieux concilier exploitation et protection. Toutefois, l’absence d’informations claires sur la proportion réelle de territoire vouée à la conservation et sur les critères de sélection des terres destinées à la foresterie intensive laissait planer de sérieuses incertitudes.
QuébecOiseaux prend également note des propos tenus par le Premier ministre le 8 octobre dernier, selon lesquels le nouveau ministre des Ressources naturelles et des Forêts a reçu le mandat de « repartir de zéro et d’écouter les groupes concernés, dont les nations autochtones, les entrepreneurs forestiers, les maires et les préfets ». QuébecOiseaux s’inquiète toutefois de l’absence, dans cette liste, des acteurs engagés dans la protection de la biodiversité. Une réforme crédible et durable du régime forestier doit impérativement reconnaître la légitimité de ces intervenants et tenir compte de leurs préoccupations dès les premières étapes de la réflexion.
QuébecOiseaux rappelle que la forêt publique québécoise constitue un patrimoine collectif abritant une biodiversité exceptionnelle, dont près d’une centaine d’espèces d’oiseaux qui dépendent directement de l’intégrité des écosystèmes forestiers. Certaines espèces en situation précaire, comme le Garrot d’Islande, la Grive de Bicknell, la Grive des bois ou la Paruline azurée, ont des habitats relativement bien identifiables, ce qui permet d’ancrer la conservation dans des critères concrets et mesurables.
Pour être véritablement efficace sur le plan de la conservation, QuébecOiseaux estime qu’un régime forestier doit reposer sur les grands principes suivants :
- Définition claire et contraignante des cibles de conservation : proportion minimale de territoires protégés, incluant des habitats essentiels pour les espèces vulnérables ou en péril.
- Priorisation des habitats sensibles et identifiables : protection des aires abritant des espèces menacées ou en situation précaire.
- Intégration des gains de productivité dans la foresterie intensive : ces gains doivent directement contribuer à augmenter la superficie et la qualité des zones de conservation.
- Suivi et transparence : mise en place d’indicateurs clairs pour mesurer les impacts de l’aménagement sur la biodiversité, accessibles au public et régulièrement évalués.
Consciente des réalités vécues par les communautés qui dépendent de l’industrie forestière, QuébecOiseaux souligne que les difficultés actuelles de ce secteur trouvent leur origine dans des choix d’aménagement orientés depuis des décennies vers une vision non durable de la foresterie. Une modernisation responsable du régime forestier doit viser à la fois la pérennité économique des régions et la protection des écosystèmes dont nous dépendons collectivement.
QuébecOiseaux réaffirme sa disponibilité pour collaborer avec le gouvernement afin que toute réforme soit conçue, mise en œuvre, suivie et évaluée en étroite collaboration avec le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, en raison de son mandat de protection de l’environnement, de conservation de la biodiversité et de gestion de la faune, des parcs et des aires protégées, ainsi qu’avec les autres parties prenantes afin de bâtir un régime forestier moderne, transparent et véritablement durable, au bénéfice de la biodiversité, des communautés et des générations futures.
Photo : Paruline tigrée © Suzanne Labbé